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Yvette déménage
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Usagers #4

Sylvie : L'éveil

Description du podcast

Sylvie pointe son manque de préparation. Se rapprocher de Paris était un choix rassurant et raisonnable financièrement, mais en s’installant à Montrouge, elle a subitement tout quitté : son métier, ses patients, sa ville, ses repères, sans doute une part d’elle-même. Comme si elle avait peur d’oublier sa vie d’avant, elle expose dans les moindres recoins de son logement ses objets fétiches. Son chez-soi pour l’instant, c’est une mue, une enveloppe.

  • Par Guillaume Sicard
  • le 29 novembre 2019 à Montrouge (92 120)
  • Photographie : Olivier Leclercq Édito  : Michèle Leloup Montage : Valentin Brion

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Contenu du podcast

Portrait

  • :

    → Préparer sa retraite, ne pas larguer les amarres du jour au lendemain.

  • :

    → Exercer son activité à temps partiel, pour avoir le plaisir de transmettre son savoir.

  • :

    → Faire en sorte que son habitat soit au moins équivalent à celui connu lors de sa vie d’actif.

  • :

    → Valoriser le parcours résidentiel à l’échelle du territoire.

  • :

    → Pouvoir intégrer une « communauté de cœur » de retraités.

  • :

    → Privilégier des activités associatives rattachées au monde des actifs.

Destinations fréquentes et marchabilité

Logement

  • Surface:

    55 m² + 5 m² d’espace extérieur

  • Étage:

    2ème étage

  • Ascenseur:

    Oui

  • Nombre d'occupants:

    1

  • Quartier:

    Montrouge / Paris
    1ère couronne / 92120

  • Centralité:

    À 900 m du métro ligne 4

Plan

  • :

    1 Coin nuit

  • :

    2 Coin activités

  • :

    3 Coin invités

  • :

    4 Coin lecture

  • :

    5 Coin cuisine

  • :

    6 Coin rangement

  • :

    7 Point d’eau

Retranscription de l’interview

Nos lieux de vie sont nos parcours personnels, racontez-nous le vôtre.

Née à Paris, dans le 15e, j’ai habité cet arrondissement jusqu’à l’âge de 30 ans, ayant fait dans mon enfance une petite incursion en Afrique, à Dakar, pendant 3 ans. Mes parents ont eu deux grands appartements. Dans les années 90, je me suis installée à Combs-la-Ville, en Seine et Marne où j’ai d’abord loué un appartement, puis j’ai rencontré mon mari et nous avons acheté une maison à Brunoy et j’y ai vécu trois décennies.

Etait-ce parce que vos parents habitaient dans le coin, ou étais-ce un choix personnel ?

C’est simplement lié à mon parcours universitaire. Quand je préparais médecine à l’hôpital Necker, la faculté dont je dépendais, je faisais partie des reçus-collés et c’était la première année du numerus clausus. Necker n’ayant pas assez de places, notre doyen a fait le tour des autres facs et je me suis retrouvée à Créteil où j’ai poursuivi mon cursus. Après, comme tous les médecins, je me suis installée dans un rayon de 50 kilomètres et me suis implantée à Combs-la-Ville où j’ai rencontré mon mari.

Est-ce essentiellement votre profession qui a guidé le choix de votre lieu de vie ?

Oui, tout à fait, il me fallait un domicile à proximité du cabinet médical pour des raisons pratiques.

Je suis toujours restée très parisienne.

Comment avez-vous choisi cet appartement de Montrouge ?

Je suis toujours restée très parisienne et j’en avais assez des allers-retours en RER D, la ligne étant toujours encombrée ou en panne. Ma mère a vécu sa retraite dans la capitale et j’ai trouvé que c’était tout de même plus agréable. Longtemps j’étais partagée entre Paris et la banlieue, mais au fond de moi j’ai toujours voulu revenir vivre à Paris. C’était un choix évident. Quand j’ai commencé à chercher un appartement, je me suis aperçue que je ne pourrais pas m’offrir une surface suffisante intra-muros, j’ai donc opté pour Montrouge, il y avait un métro et je pouvais aller dans Paris très facilement.

Votre choix était-il dépendant de sa proximité avec la ville ?

Il y a toujours plein de choses à faire à Paris et l’offre culturelle est importante : cinémas, théâtres et expos.

Ce qui n’était pas le cas à Brunoy ?

Pas tout à fait, certes à Brunoy l’offre existe mais elle n’est pas comparable.

Habitiez-vous le centre-ville de Brunoy ?

Je vivais dans un quartier très calme au bord de la forêt. À l’époque, c’était très bien pour une vie de famille. Mais à partir du moment où il n’y a plus eu les enfants et le chien… Dans le fond, je suis une urbaine, donc j’aime bien la campagne de temps en temps, mais pas trop.

Je ne travaille plus et je ne veux plus travailler.

À quoi ressemble votre maison idéale ?

Mon idéal est une maison américaine. J’aime bien les formes de cubes, très modernes, mais c’est impossible de trouver ce type d’habitat dans Paris. Lorsque nous habitions Dakar avec mes parents, nous avions une superbe maison très contemporaine, un peu dans ce style-là, c’est resté pour moi un modèle. Il est vrai que si j’avais une maison à construire, j’aimerais avoir un très grand séjour, des grandes fenêtres, des baies vitrées partout, une grande piscine…

Si vous aviez quelque chose à améliorer dans cet appartement-ci, que feriez-vous exactement ?

J’ajouterai quelques mètres carrés afin d’avoir plus de rangements car sur ce plan là je suis vraiment très limitée.

Vous n’avez pas non plus de chambre d’amis, comment vous faites pour recevoir ?

Je vais avoir un canapé convertible. Ma troisième pièce n’était pas conçue pour devenir un bureau, sauf qu’elle est trop petite pour y dormir, je logerai donc mes invités dans le salon ou je leur laisserai ma chambre.

Travaillez-vous encore ?

Non, je travaille plus et je veux plus travailler. J’ai un ordinateur parce que je ne conçois pas une maison sans bureau.

Est-ce que vous anticipez d’autres changements dans cet appartement ?

La grande question est d’ouvrir ou pas la cuisine ce qui nécessiterait de perdre les deux murs dont j’ai besoin, ce n’est donc pas possible !

Parce que vous aimez entreposer ?

Je suis très attachée aux objets, chaque fois que je dois m’en séparer c’est un déchirement. Par exemple, j’ai gardé plein de choses appartenant à mes grands-parents.

J’aime beaucoup l’idée que les objets continuent de servir.

Qu’avez-vous gardé lors du dernier déménagement ?

Je me suis débarrassé de mon énorme bibliothèque. Par manque de place, je n’ai gardé que le minimum. En réalité, j’ai profité de la grande maison de campagne d’un copain pour entreposer mes livres, je lui ai tout donné, mais je sais où ils sont. Il m’importait de ne pas jeter mes affaires à la poubelle comme me l’avait suggéré mes enfants. D’une certaine manière je souhaitais qu’elles aient une autre vie, j’aime beaucoup l’idée que les objets continuent de servir.

Pour une question de transmission ?

Voilà, c’est ça, tout à fait.

Est-ce plus compliqué pour vous d’habiter dans une maison ou dans un appartement, même si cela fait peu de temps que vous êtes à Montrouge ?

Le choix de l’appartement n’est pas compliqué. Certes, mes voisins sont plus présents et notamment dans ce type d’immeubles des années 70 mal insonorisés donc plus bruyants. Sinon c’est plus simple à gérer qu’une maison d’après mon expérience, surtout lorsque l’on travaille et qu’il faut entretenir le jardin, maintenant ce ne serait plus le cas. En définitive, c’était un soulagement de choisir un appartement car plus facile au quotidien.

Je m’aperçois que les gens sont de plus en plus seuls.

Connaissez-vous vos voisins ?

En proche banlieue parisienne c’est comme à Paris, on a du mal à rencontrer les gens, en outre, j’ai toujours eu des horaires décalés mais cela va venir, il faut du temps en région parisienne. Ce qui est sympa dans l’immeuble, c’est qu’il y a une population variée, des parents avec des enfants, des personnes âgées, c’est un mélange.

Pourquoi avoir ciblé Montrouge particulièrement ?

J’avais d’autres villes en tête car j’ai cherché partout, à Issy-les-Moulineaux, Vanves, Montrouge et puis aussi Vincennes, Montreuil, mais ce sont des quartiers que je connaissais un peu moins. C’est vrai que la proximité de Montrouge avec le 15e arrondissement faisait que cette banlieue m’était un peu plus familière. Et puis j’ai une copine qui habite Montrouge mais dans un autre quartier. En réalité, je m’aperçois que les gens sont de plus en plus seuls. Surtout les femmes, elles sont souvent les dernières à rester après la perte de leur conjoint.

C’est effectivement souvent le cas…

Je remarque que plus on avance dans l’âge, plus on a besoin d’entraide c’est pourquoi je pense qu’une colocation entre séniors serait très bien. Nous avons pensé à le faire avec des copains relativement indépendants, il suffit d’acheter une grande baraque avec chacun son appartement, des salles communes et des chambres permettant de recevoir, je trouve cela sympa. Mais se pose ensuite le problème de la transmission. Quand l’un du groupe meurt, que se passe-t-il après ? Au départ, vous choisissez de vivre en communauté avec un certain nombre d’amis avec lesquels vous vous entendez bien, quand ils sont remplacés par d’autres gens, les affinités ne sont pas les mêmes, d’où la question de la pérennité d’une colocation.

C’est la transition qu’il faut gérer.

Est-ce actuellement un projet dans lequel vous seriez prête à vous investir ?

En réalité, ce type de projet n’est pas dans ma nature ni dans ma culture, j’ai un caractère trop indépendant, et je ne me projette pas trop en ce moment, nous verrons dans 10 ans ou 20 ans.

Parlez-nous de la transition entre votre vie active et aujourd’hui ?

Elle a été complètement brutale du jour au lendemain. Je suis partie d’une pleine activité en qualité de médecin généraliste et ensuite plus rien. En même temps que ma retraite, j’ai déménagé de sorte que j’étais très occupée le premier mois, le temps de faire les cartons et de tout réaménager…

Et psychologiquement, est-ce que cela a été difficile ?

Sur le coup non, car j’étais dans le mouvement, mais c’est après. Finalement, c’était peut-être un peu rude de vouloir tout faire en même temps. Et puis surtout, ce que je n’avais pas du tout anticipé, c’était la perte de mes repères de vie, par exemple, je n’avais plus les mêmes commerçants. Cela faisait 30 ans que j’étais à Brunoy et que j’avais mes habitudes et mes connaissances, quand je suis arrivée à Montrouge, je ne connaissais personne et je me suis retrouvée toute seule dans mon appartement, c’était un peu difficile. Disons que je m’en rends compte rétrospectivement.

Je vous sens émue…

Maintenant je sors, je vais voir des expos à Montrouge, mais ce n’est pas simple de se retrouver toute seule ici. Je pense qu’ailleurs cela aurait été pareil. C’est la transition qu’il faut gérer. Dans ma vie professionnelle je voyais des patients toute la journée et je partageais la vie d’environ 25 personnes par jour, même si chacune de mes consultations ne duraient qu’un quart d’heure. Quand j’étais dans mon cabinet, je partageais pleinement la vie des gens, ensuite, je rentrais chez moi et je ressortais. Tandis que là, d’un seul coup, je ne partage la vie de personne, je suis toute seule, le petit commerçant avec lequel on échange, je l’ai plus…

J’étais épuisée par mon métier.

Auriez-vous préféré que cette transition soit plus douce ?

C’est vrai que ce sont deux gros changements quand même ! Je viens juste de le réaliser, c’est émotionnel, voilà tout.

Pensez-vous qu’il faudrait un stage de préparation à la retraite ?

Certainement. Beaucoup d’entreprises le font. Mon père en a bénéficié, lui qui était complètement dévoué à son travail. On pensait que sa retraite serait catastrophique pour lui et puis il s’est inscrit à ce stage qui l’a aidé, il a ensuite fait du consulting afin de retarder l’âge de la retraite.

Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ?

Parce que pour les médecins c’est plus compliqué

Vous l’a-t-on proposé ?

Oui, mais j’étais épuisée par mon métier.

Vous avez donc fait un rejet ?

Oui, oui, j’ai fait un rejet complet alors que je suis dans la catégorie des professionnels qui pourraient continuer à exercer de temps en temps, sans soucis. Mais pour l’instant, ce n’est pas possible et la pratique de mon métier a tellement changé ! C’est vrai que je suis partie avec un certain soulagement même si l’accompagnement des patients m’a manqué. Mais il y avait un stress terrible et c’était un soulagement de lâcher prise.

Rien ne vous empêche de retrouver votre métier ?

Etant donné l’état actuel des mentalités, c’est improbable. Je ne me sens plus capable d’endosser la lourde responsabilité du médecin et de prendre en charge les malades, c’est du moins ce dont je ne veux plus. C’est tellement difficile ! On est sur le fil du rasoir en permanence et je veux plus de ce stress-là. Certes, l’on peut effectivement s’éclater dans des associations très actives avec des bénévoles qui réfléchissent à des tas de choses, mais c’est alors du loisir! Or, ma génération a vécu une sorte de formatage, il fallait bosser et rapporter de l’argent, c’était une course aux résultats.

On ne s’est pas assez préoccupé de « l’après » et de son mode d’organisation.

Pensez-vous que les personnes à la retraite soient à la marge de la société ?

Tout est fait pour les jeunes. Je ne dis pas que rien n’est fait pour les séniors, mais la vie se borne à aller travailler et à élever ses enfants. Les retraités ne participent plus à la communauté active. Alors c’est vrai que nous, les séniors, nous avons oublié que l’on allait vieillir. On était suffisamment nombreux pour toujours se mettre en valeur à l’âge que l’on avait, puis d’un seul coup, nous sommes perçus comme des «vieux». On ne s’est pas assez préoccupé de « l’après » et de son mode d’organisation. Pour ma part, j’ai ressenti un grand coup de pied. Dehors !

À quoi est-ce dû à votre avis ?

En réalité, je pense qu’il faudrait une cessation d’activité progressive afin que les jeunes retraités puissent se faire une autre place dans la société avec d’autres fonctions. Beaucoup de personnes y parviennent en amont parce que leur activité professionnelle diminue de sorte qu’elles peuvent commencer à construire autre chose à côté. Moi je n’ai pas eu le temps de le faire.

Est-ce la raison pour laquelle vous vous êtes inscrite dans un club informatique ?

Effectivement, c’était le moyen de prolonger une vie sociale. Curieusement, j’ai envie de rencontrer des gens et, en même temps, j’ai passé 30 ans à les fuir. En dehors de mon travail, j’avais plutôt besoin de calme. Donc spontanément, j’ai un peu de mal à entrer en contact avec les autres, de surcroit, je suis assez timide et réservée. Ce n’est donc pas simple. J’essaie par le biais des associations, pour autant, j’ai très peur de me faire engloutir c’est pourquoi j’y vais sur la pointe des pieds.

Paris me convient mieux parce que j’y suis née.

En venant sur Paris avez-vous eu le sentiment d’être là où cela se passe ?

Tout à fait! Je ne regrette pas Brunoy ou Montgeron !

En somme, vous préférez aller sur Paris que sur Brunoy ?

Oui c’est cela ! À Paris, l’offre est extraordinaire ! On prend ou on ne prend pas. Et Paris me convient mieux parce que la capitale est davantage dans mon ADN ! Sans doute parce que j’y suis née.

Si vous étiez née à Brunoy ?

Peut-être que ce serait l’inverse, je ne sais pas ! Pour mes enfants, peut-être… Quoique. Mon ainé est très parisien lui aussi. Pour rien au monde il irait vivre en banlieue, c’est certain !

Les Brunoyens vivent-ils moins bien que les Parisiens ?

Ah non ! La vie parisienne est plus stressante, tout le monde court sans cesse, ce n’est pas non plus très enviable ! C’est vrai que quand j’ai fait mes études, je ne voulais pas du tout m’installer à Paris !

Considérez-vous, qu’aujourd’hui, Paris soit plus enviable pour des personnes âgées ?

Oui, je pense que pour des personnes âgées c’est plus facile, j’ai ce sentiment-là! Mais peut-être que je me trompe complètement, j’en sais rien !

Paris serait-elle une ville de vieux ?

Non, Paris est une ville de brassage et c’est justement ce qui me plait ! Moi je ne veux pas être cantonnée avec les vieux ! La vie ce n’est pas se complaire dans l’entre-soi.

J’ai tellement été habituée à voir toutes tranches de populations, de 0 à 90 ans! La vie, pour moi, c’est côtoyer ses semblables ! J’ai besoin de ce brassage.

Seriez-vous plus favorable à des situations intergénérationnelles ?

Je rêve de mixité entre les maisons de retraite et les écoles maternelles. Il existe quelques projets de ce type et je trouve cela extraordinaire ! Dans mon métier, j’ai tellement été habituée à voir toutes tranches de populations, de 0 à 90 ans! La vie, pour moi, c’est côtoyer ses semblables ! J’ai besoin de ce brassage. C’est vrai que Paris s’y prête davantage, vous sortez dans la journée, y a toujours du monde, toujours des trucs à faire. Vous allez à Brunoy dans la journée, c’est un peu plus calme, enfin y a pas grand-chose !

Pour conclure notre échange, un petit tour des questions/réponses.. Êtes-vous ville ou campagne ?

Ville !

Sport ou canapé ?

Un peu de canapé, un peu de sport.

Jardin ou balcon ?

Le problème c’est qu’en appartement, le jardin suppose un rez-de-chaussée, donc pas très lumineux. Donc balcon alors.

Votre vendredi soir idéal ?

C’est diner avec des copains puis aller se faire un petit théâtre.

Seule ou accompagnée ?

Je préfère être accompagnée !

Pour conclure, quelle est votre plante préférée ?

Les orchidées.

Y a-t-il là une raison particulière ?

Non, j’aime bien, c’est joli, c’est beau !

Merci Sylvie de nous avoir ouvert votre appartement et merci de cet échange!

Interview réalisée le 29 novembre 2019 à Montrouge par Guillaume Sicard