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Un habitat vecteur de bien être
Description du podcast
Les questions d’identité auxquelles sont confrontées ceux qui vivent leur printemps de l’hiver ne doivent pas éclipser l’enjeu du logement : accompagner et préserver le plaisir d’y habiter. En effet, le logement est la projection spatiale de l’intimité d’une personne et de son histoire. Il est confronté en premier lieu aux changements de mode de vie. Ainsi, quand le retraité accepte-t-il de changer de logement et vers quoi ? Comment peut-on anticiper l’évolution du rapport au logement ? Quelle flexibilité est à anticiper lors de la conception d’un logement ? Quelle souplesse d’usage peut-on déployer au sein d’un habitat partagé ou d’une résidence ? Le logement pourrait-il devenir un service qui apporte de la dignité à son usager ? Selon les individus, des solutions diffèrent : vivre le plus longtemps possible dans son logement, se séparer progressivement de son logement ou se diriger vers des structures dédiées à l’accueil de personnes vieillissantes.
Contenu du podcast
Propositions
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→ Utiliser la notion de propriété comme ressource pour faciliter la transition vers de nouveaux espaces plus appropriés aux no workers (dissociation foncier et bâti, découpage du volume…)
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→ Préférer la qualité d’usage des espaces à la taille du logement, par exemple : un salon appropriable de quatre mètres de long et de large, pour permettre des usages variés tel que l’accueil ponctuel de personnes extérieures.
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→ Proposer des logements évolutifs et réversibles grâce à une structure avec noyau et façades porteuses.
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→ Imaginer un urbanisme prospectif qui permet des parcelles à partager,
et/ou à densifier à l’avenir. - :
→ Intégrer les usagers dans la phase de conception des logements collectifs et des établissements adaptés.
Une métamorphose du logement par l’adaptabiltié
Comme le révèlent plusieurs études, une très large majorité des Français – 83 % (CSA, 2016), 85 % (IFOP, 2019), voire 90 % (Opinion Way – 2012) –souhaitent vieillir à domicile⁴. Frédérique Quemener et Stéphane Sebastiani, du groupe AG2R LA MONDIALE, en sont conscients et considèrent qu’il s’agit d’une particularité nationale.
La problématique de l’adaptabilité du logement devient dès lors centrale. Comment peut-on faciliter et anticiper la reconfiguration de l’espace habité selon l’évolution des besoins des usagers ? La perte d’autonomie des usagers qui veulent rester le plus longtemps possible à leur domicile⁵ est à anticiper, comme nous l’avons vu pour Ginette de la résidence Villebois Mareuil.
Il s’agit là d’une quête de confort et de sécurité au sein même du logement dans lequel l’usager a toujours vécu. La sociologue Mélissa Petit évoque la possibilité d’adapter les espaces grâce à une modularité du logement, pensé dès sa conception.
Cette modularité peut se traduire par le caractère multifonctionnel de l’espace, mais aussi par sa capacité à se subdiviser, permettant ainsi un renouvellement et une diversité des usages. Autrement dit, les espaces du logement doivent admettre une pluralité d’individus et de situations grâce à la modularité ou la réversibilité de l’habitat. Tenir compte d’une diversité de modes de vie permettra de répondre aux demandes des no workers, mais aussi de l’ensemble de la population. Dans un même logement, on pourrait alors imaginer l’installation d’une colocation puis d’une famille, la recomposition de cette famille puis l’accueil d’une personne âgée une fois les enfants émancipés, etc.
Une pluralité d’offres de logement doit être mise en place pour répondre à une diversité des situations individuelles. C’est en ce sens, qu’au fil des années, la législation a incité la réalisation de logements adaptés aux personnes en situation de handicap ou de mobilité réduite. Dans le logement collectif, le plan P.M.R. est devenu une norme, parfois critiquée pour son manque de flexibilité et la dégradation de la qualité que cela implique⁶. Cependant, cette « binarisation » de l’offre, opposant logement pour personne à mobilité réduite (P.M.R.) et logement « non-adapté », n’a pas permis de répondre aux multiples besoins de la population. La législation a évolué et, avec la loi E.L.A.N., depuis novembre 2019, « seuls 20 % des logements ont l’obligation d’être accessibles, les autres devant être évolutifs⁷ ». Frédérique Quemener et Stéphane Sebastiani privilégient ainsi la notion d’habitat adaptable plutôt que celle d’habitat adapté.
Continuer à vivre chez soi malgré la perte progressive de sa mobilité, par exemple, serait envisageable dans un logement adaptable. Aujourd’hui, on estime à seulement 6 % le nombre de logements adaptés au vieillissement⁸. La modification de tels logements pour répondre aux besoins des no workers semble complexe à mettre en place, nécessitant un apport financier conséquent qui n’est pas à la portée de tous.
Pourtant, l’adaptabilité du logement, c’est-à-dire la possibilité de l’adapter, permettrait de proposer un habitat digne à chaque individu, quel que soit son mode de vie, son âge, ses capacités. Cela existe déjà en ce qui concerne les logements des personnes handicapées : la réglementation prévoit des obligations d’adaptabilité, lors de la construction d’immeubles neufs, mais aussi lors de gros travaux sur des bâtiments existants. Il s’agirait d’aller plus loin dans le droit au logement digne et décent, en intégrant une autre dimension, celle du droit d’y vieillir confortablement. Le parc social comme le parc privé (promoteurs et particuliers) doivent se saisir de ces considérations pour imaginer un meilleur futur pour nos anciens.
Questionnons la notion de proprieté pour de nouveaux possibles
La question de l’adaptabilité du logement nous ramène à celle de la propriété. L’accession à la propriété a connu sa plus forte augmentation⁹ pendant les Trente Glorieuses. Il est donc logique que la part des propriétaires no workers soit surreprésentée¹⁰. Cependant, ces logements, acquis dans les années 1970, ont perdu leur usage familial : les enfants ont quitté le foyer, laissant des surfaces sous occupées¹¹. Dans des territoires où le foncier est une denrée rare, que faire de ces mètres carrés « perdus » ? De même, comment densifier le tissu urbain tout en conservant le sentiment de sécurité que recherchent les retraités ?
Afin de concilier surplus de surface et besoin de relations sociales, une solution envisageable consiste à recomposer la propriété des plus âgés pour accueillir de plus jeunes : étudiants, familles, couples, etc. C’est ce auquel se consacre IUDo qui aide les habitants à devenir les bâtisseurs d’une ville plus solidaire et durable. L’entreprise promeut cette mutation par une démarche d’entraide (mutualisation des besoins et des moyens) et la mise à disposition d’espaces vacants dans le tissu urbain. Il est donc question d’un partage de la propriété foncière. Dans ces scénarios, le no worker est tout à fait autonome, profite au mieux de sa retraite¹² et augmente son pouvoir d’achat grâce au loyer perçu – un plus non négligeable.
Le sujet des moyens financiers et du pouvoir d’achat a également été abordé avec les usagers. Le no worker se pose la question de la valeur de son logement. Or sa valeur pécuniaire et sa valeur sentimentale ne coïncident pas toujours. Si chez certains les sentiments prennent le dessus, chez d’autres comme Yvette, une forme de raison s’impose.
Comme nous l’avons déjà expliqué, nos aînés sont majoritairement propriétaires. Les usagers interrogés confirment la règle : tous possèdent un bien immobilier. Pour autant, la propriété n’implique pas nécessairement un confort financier : le niveau de vie des no workers ne va pas en s’améliorant. La pleine propriété peut, en outre, constituer un poids financier, et même parfois mental, trop important à cet âge de la vie. Certains retraités préfèrent ainsi vendre leur bien plutôt que d’assumer des charges et des coûts trop élevés. D’une manière plus générale, on considère que la possession d’un patrimoine immobilier garantit une retraite confortable, ou du moins, stable. On notera que le profit issu de la vente de ce patrimoine sera plus élevé dans les zones où la pression foncière est forte.
« Rester » ou « vendre et partir ailleurs » constitue l’alternative la plus communément considérée. Bien d’autres solutions pourraient cependant être envisagées : celle, par exemple d’une propriété « allégée », grâce au bail réel solidaire. L’objectif serait de faciliter et d’assouplir l’occupation du logement tout en maintenant l’usager dans un environnement sécurisant. Le cas de Ginette est en ce sens représentatif de ces retraités confrontés au dilemme de conserver ou quitter leur logement – et par extension leurs repères – de moins en moins accessible.
Repenser la propriété impliquerait que cette notion prenne une dimension plus complexe que celle connue jusqu’alors. Usage et possession seraient dissociés, pour plus de flexibilité pour les usagers dans la jouissance de leur bien, dans le partage ou le transfert de celui-ci.
Intégrer un chez-soi générique
L’usager qui quitte son logement peut choisir d’emménager au sein d’un habitat générique, qui allie qualité hôtelière et services à la personne. En d’autres termes, on parle ici du choix d’être accompagné, lors de cette nouvelle tranche de vie qu’est le printemps de l’hiver. Cet accompagnement peut, par exemple, prendre la forme de séances d’activité physique, permettant de vieillir en bonne santé plus longtemps – une préoccupation largement partagée.
Vieillir dans un établissement adapté implique de vivre en collectivité, d’être entouré non seulement par des soignants mais aussi par d’autres résidents. Comme l’explique Joachim Tavares, les retraités recherchent un équilibre entre vie en collectivité et besoin d’intimité, sentiment de confort et de sécurité.
Néanmoins, cet habitat générique, ce module neutre, interroge le niveau d’appropriation possible par l’usager. Permettre l’appropriation du logement, c’est permettre à l’usager d’apporter avec lui ce qui a compté et compte dans sa vie ; c’est garantir une continuité entre la vie du travailleur productif et celle du retraité, c’est reconnaître la valeur de son histoire.
La préparation d’un déménagement puis d’un emménagement renvoie de fait au tri des biens matériels. C’est à la fois se débarrasser de ce qui est encombrant et garder ce qui est important, repères familiers et souvenirs contribuant au bien-être de la personne. C’est toute une vie qu’on trie. Le logement doit faciliter cette démarche. Les profils divergent à ce sujet : Sylvie trouve une sérénité dans le fait de collectionner des objets lui rappelant sa famille. À l’inverse, Sophie considère l’accumulation d’objets comme une contrainte.
On voit ainsi se dessiner plusieurs critères qui participent au bien-être des usagers : l’envie d’autonomie, la recherche d’un cadre animé, la nécessité d’intégrer un logement approprié… Ce sont là des spécificités qui vont guider les no workers dans la recherche d’un logement ou d’un établissement. Joachim Tavares, grâce à la plateforme Pappyhappy, accompagne les plus âgés dans cette recherche.
Autre solution pour ajuster les logements aux désidératas des ainés : les projets participatifs, qui leur permettent d’intervenir lors de la phase de conception. En outre, une telle implication revalorise le rôle des aînés dans la société. France Bénévolat accompagne l’élaboration de tels projets, qui renforce les liens entre futurs habitants.
Ainsi, les besoins et désirs des no workers sont pris en compte de manière personnelle mais permettent également de définir les espaces à mutualiser.
Le chez-soi prend forme dans un ensemble de logements collectifs. Il s’agit de questionner le partage des espaces et la création de liens sociaux induits par ce partage. À l’échelle d’un habitat, cela se traduit par une déclinaison de l’organisation des espaces communs, tels que l’utilisation d’une pièce à des fins collectives ou encore la mise en place de services tels que la conciergerie. Dans la résidence Stéphane Hessel, une salle commune est mise à disposition des habitants qui s’y réunissent quotidiennement. Ainsi, les usagers préservent leur intimité tout en profitant d’une vie collective. La même idée de valorisation et de facilitation des liens sociaux est exploitée dans le projet La Dunette où les no workers occupent des logements de 50 m².
De même, la diversification des usages au sein des espaces partagés et l’installation d’associations favorisent les rencontres entre workers et no workers. En effet, ces espaces partagés correspondent à une diversité d’opportunités de rencontres et d’échanges entre aidants et aidés au sein d’un même lieu de vie.
En somme, le logement collectif doit permettre le bien-être de ses usagers grâce à la prise en compte de leurs besoins et désirs. Il s’agit de trouver une cohérence entre l’offre de logements collectifs existants et ce que cherchent les no workers (vie sociale, activités physiques, appropriation…). En d’autres termes : « Un logement n’est vraiment habitable que lorsqu’il sait accueillir ceux qui vont y séjourner »¹³.
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Luc Broussy, rapport interministeriel sur l’adaptation des logements, des villes, des mobilites et des territoires à la transition démographique, mai 2021
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« Le taux de bénéficiaires de l’APA […] évolue avec l’âge. 7,6 % des plus de 60 ans sont beneficiaires de l’apa, 18,6 % des plus de 75 ans, 31 % des plus de 85 ans. Et il faut attendre 93 ans pour avoir plus de 50 % de bénéficiaires de l’APA au sein d’une même classe d’âge » Luc Broussy, rapport interministériel sur l’adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique, mai 2021
- 6:
Monique Eleb, Entre confort, désir et normes : le logement contemporain (1995-2010), PUCA, ministere de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, août 2012
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Cerema, le logement évolutif : une réponse pour l’accessibilité universelle des logements ? 8 Juillet 2020
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Enquête Share, 2006-2007
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En 1946, la part des propriétaires était de 29. 3 %, contre 46.6 % en 1975. (Insee)
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65 % des propriétaires de leur résidence principale ont plus de 50 ans. (Insee, enquête patrimoine 2014-2015) à Paris, 55 % des plus de 65 ans sont propriétaires. (Insee RP 2014, exploitation principale
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Au niveau national, 37 % des logements des seniors sont sous-occupés. (Insee)