Image du podcast
Marie-Christine Segui - Fixer les populations séniors par une offre plurielle
Description du podcast
Marie-Christine Ségui est maire d’Ormesson-sur-Marne (Val-de Marne) depuis 2014. Cette commune de la grande couronne, au sud-est de Paris, présente un fort tissu pavillonnaire. Elle est également vice-présidente de Grand Paris Sud Est Avenir, établissement public territorial regroupant seize communes dont Alfortville et Créteil.
- Par Guillaume Sicard
- Le 3 février février 2021 à la mairie d'Ormesson-sur-Marne (94 490)
- Photographie : Olivier Leclercq Montage : Valentin Brion Musique - Ezechiel Pailhès Label - Circus Company
Écouter le podcast
Contenu du podcast
Retrouvez l’analyse de l’entretien avec Marie-Christine Ségui,
dans l’ouvrage du Printemps de l’Hiver.
• L’enjeu de l’intergénérationnalité
• Vers un nouveau quartier post-Covid
• Viser une pluralité d’offres pour fixer les populations séniors sur la commune
Retranscription de l’entretien
Tout d’abord Madame le maire, comment allez-vous ? Comment avez-vous vécu et vivez-vous encore cette période particulière ?
Bonjour et bienvenu à Ormesson-sur-Marne. Comment je vais ? Je dirais plutôt bien, même si nous traversons une période historiquement difficile. Pour nos habitants comme pour la municipalité, cette crise sanitaire est extrêmement compliquée à vivre, que ce soit psychologiquement ou, pour nous, en termes d’organisation. Nous n’avons jamais baissé les bras et nous ne les baisserons pas. Mais j’avoue qu’on aimerait voir le bout du tunnel. On l’espère peut-être d’ici quelques semaines si l’on se fie aux informations les plus optimistes.
Quelles réponses apportez-vous à vos administrés quant à cette crise sanitaire et au confinement qui en résulte ; administrés qui vivent au sein d’un tissu urbain essentiellement pavillonnaire ?
Plusieurs actions ont été menées, notamment au cours de la première période de confinement qui fut la plus ferme. Nous sommes allés à la rencontre des habitants pour les soutenir. J’ai l’habitude de faire beaucoup de terrain sur ma commune. Nous avons beaucoup travaillé pour nos aînés. Même si ce ne fut pas la partie de notre population la plus touchée, c’est celle qui a éprouvé le plus de difficultés à cause de l’isolement dont elle a souffert. Nous avons mis un certain nombre de dispositions en place, comme des contacts quotidiens par téléphone ou une chaîne de solidarité avec l’ensemble de l’équipe municipale et des personnes de la société civile.
Quelle est la part de votre population communale que nous pouvons qualifier de personnes âgées ou de seniors ?
Je préfère le terme « senior », à partir du moment où l’on parle de seniors dès l’âge de 60 ans — que cela soit dans le domaine de la santé ou autre — et où je considère qu’une personne de 60 ans n’est pas une personne âgée. C’est soit un jeune retraité soit un actif qui poursuit son parcours professionnel. À Ormesson, cette population de seniors tend, semblerait-il, à diminuer. La ville étant beaucoup plus attractive qu’elle ne l’était, nous avons de nombreux jeunes couples qui s’installent avec des enfants. Nous avons tout de même une forte proportion de seniors, environ 27-28 %. Ils étaient beaucoup plus nombreux il y a quelques années. Pour moi, c’est une fierté de constater que notre ville rajeunit. Il nous faut des populations de tous âges.
Nous avons beaucoup travaillé pour nos aînés. […] C’est celle qui a éprouvé le plus de difficultés à cause de l’isolement dont elle a souffert. Nous avons mis un certain nombre de dispositions en place, comme des contacts quotidiens par téléphone ou une chaîne de solidarité avec l’ensemble de l’équipe municipale et des personnes de la société civile.
Durant cette période particulière, avez-vous constaté une amplification des relations intergénérationnelles ?
Pas forcément. Nous travaillons beaucoup sur l’intergénérationnel. Nous organisons des ateliers avec les jeunes du centre de loisirs, des soirées… Cela fut évidemment plus compliqué durant le confinement puisqu’on ne pouvait pas exposer nos aînés à une population jeune ayant des facteurs de risque ; et ce, même s’il s’est développé une chaîne de solidarité. Des jeunes gens appelaient les seniors, mais en présentiel c’était vraiment très difficile. J’espère que l’on va pouvoir reprendre très vite cette activité sur la commune et poursuivre dans cet état d’esprit. C’est important, je trouve, dans une société, que les plus jeunes et les moins jeunes puissent échanger, bien vivre ensemble. C’est aussi ce que l’on souhaite mettre en place dans nos quartiers à venir. C’est une chose à laquelle nous sommes extrêmement attentifs et c’est très bien vécu.
Votre territoire, vous l’évoquiez, est en mutation, nous allons en parler par la suite avec deux grands projets urbains. Est-ce que la crise de la Covid-19 a généré dans votre ville des pistes de réflexion nouvelles quant à ces mutations, notamment en ce qui concerne ces populations plus jeunes installées sur un territoire historiquement plus senior ?
Ces aménagements, nous les avions imaginés avant la crise sanitaire en prenant en compte des thématiques qui sont, pour moi, importantes : la santé, la santé urbaine, et le bien-vivre ensemble. Nous avions déjà entamé ce travail parce que dans nos futures ZAC, c’est quelque chose de très important pour nous. Cela a d’ailleurs été aussitôt présenté à l’aménageur foncier avec qui l’on travaille et avec qui nous avons imaginé les futurs quartiers. Et cela a été renforcé par la crise sanitaire. Qui nous a donné raison. Le bien-vivre, les espaces verts… on mesure les effets de leur manque. On en voit les conséquences autour de soi. Nous sommes très fiers de compter ici quasiment 2/3 de la ville en espaces verts. Cela pourrait revenir à dire que l’on peut construire. En fait, non, car il s’agit entre autres de propriétés privées, comme le domaine d’Ormesson, un site historique qui date du XVIe siècle. Nous avons aussi un golf sur notre territoire qui appartient à la même famille. Nous avons un parc départemental (parc du Morbras, NDLR) qui offre un bel espace pour s’oxygéner. Ce sont des apports extrêmement intéressants pour la ville d’Ormesson.
Il est de la responsabilité du maire de prévoir un parcours résidentiel pour tous ses habitants, y compris pour les populations qui ont peu de moyens, qui ne peuvent pas acheter.
De quelle manière se traduisent vos envies de demain sur votre territoire ?
Concernant nos projets, je peux vous parler de la ZAC de la Plaine des Cantoux, aujourd’hui bien avancée. Il s’agit d’un quartier appelé « ZEN et bien-être » avec un vrai travail de concertation avec les habitants et une véritable exigence concernant les cabinets d’urbanisme et d’architectes pour que les projets correspondent vraiment à ce que l’on souhaite. Autrement dit : un quartier qui suppose le moins possible d’entrées de véhicules pour favoriser les places, les lieux de rencontres, les espaces verts, les parcours santé. Des formes d’espaces publics extrêmement importantes.
Avec ce qu’il se passe aujourd’hui, on s’aperçoit de la difficulté à rentrer chez soi pour rester cantonné dans son foyer. Alors, on essaie, à Ormesson, de construire des quartiers dans lesquels les gens puissent échanger. Sur les consultations par lots de la Plaine des Cantoux, nous recevons déjà des propositions extrêmement intéressantes dans l’esprit, mais aussi dans sa conception et dans sa réalisation afin de faire en sorte qu’il soit novateur au quotidien pour ses habitants.
Donc, il s’agit du premier quartier post-Covid que Paris-Sud-Est Avenir va construire ?
Paris-Sud-Est Avenir ne construit pas, il accompagne.
Pardon. Excusez-moi pour cette imprécision.
Ce n’est pas grave. Avec l’EpaMarne, nous avons un aménageur foncier qui nous a été imposé depuis un arrêté de 2017 de Manuels Valls (Premier ministre à l’époque, NDLR). L’EpaMarne est un aménageur public qui nous a accompagné dans une situation compliquée pour la commune par rapport à la loi SRU. Nous travaillons avec eux dans un souci de vrai partenariat. Aujourd’hui, on ne peut que s’en satisfaire.
Donc, cela se passe bien avec l’EpaMarne ?
Oui. Ça se passe bien !
Et c’est bien de le dire aussi !
Oui, parce que, dans l’esprit de beaucoup de maires, un aménageur public n’est pas à l’écoute des communes. Personnellement, je n’avais pas de préjugé. Aujourd’hui, je le dis et j’espère que cela va continuer : on travaille bien avec l’EpaMarne. Ils ont compris quel était l’état d’esprit de notre ville. Ormesson est loin d’être une ville réfractaire aux logements sociaux, d’abord parce qu’il y a une loi à respecter. Ceci étant, on ne peut pas le faire dans n’importe quelles conditions, au détriment de la qualité de vie des nouveaux habitants. Nous nous devons de les accueillir puis de les accompagner dans un cadre de vie le plus agréable qui soit. Ormesson n’avait quasiment pas de logements sociaux. Or, c’est un plus, parce que nous en avons besoin. Il est de la responsabilité du maire de prévoir un parcours résidentiel pour tous ses habitants, y compris pour les populations qui ont peu de moyens, qui ne peuvent pas acheter. Nous souhaitons garder les jeunes populations, mais aussi celles qui rencontrent des problèmes dans leurs parcours personnels, nous nous devons de les aider. Je suis très heureuse d’accueillir de nouvelles populations, mais je veux le faire avec dignité pour eux et pour nous.
Vous allez apporter une offre nouvelle qui n’existait pas sur votre territoire ?
Bien sûr. Parce que cela me faisait mal au cœur que des personnes qui avaient vécu trente ou quarante ans à Ormesson soient obligées de quitter la ville pour aller habiter dans des villes voisines. Ils ont dû laisser l’endroit où ils avaient toujours vécu, leurs racines, leurs contacts, leurs amis. Dorénavant, nous allons pouvoir leur permettre de rester dans la commune, dans les nouveaux quartiers. Certains de nos aînés en sont heureux. C’est ce que nous voulions. Il ne faut pas penser que tout le monde est réfractaire à tout. Et puis avec les nouveaux arrivants, l’osmose se fera sans aucun problème.
Cela me faisait mal au cœur que des personnes qui avaient vécu trente ou quarante ans à Ormesson soient obligées de quitter la ville pour aller habiter dans des villes voisines. Ils ont dû laisser l’endroit où ils avaient toujours vécu, leurs racines, leurs contacts, leurs amis. Dorénavant, nous allons pouvoir leur permettre de rester dans la commune, dans les nouveaux quartiers. Certains de nos aînés en sont heureux. C’est ce que nous voulions.
J’ai envie de vous demander : où les personnes se réunissent-elles ?
Nous avons deux lieux où les personnes se retrouvent. D’abord, le centre culturel, qui est aussi un espace d’animations, au cœur des événements festifs, culturels et sportifs. C’est là que se déroulent toutes nos manifestations. C’est un très beau lieu, un écrin dans la verdure, avec une belle salle de spectacle. Nous l’avons enrichi, modernisé, pour qu’il soit encore plus accueillant. Nous lui avons donné du « peps ». Nous y avons créé, sur l’espace arrière, un parc pour les plus petits et un playground pour les plus grands.
Et puis nous avons un lieu dédié plus particulièrement aux aînés. Un espace senior a ouvert il y a peu de temps, proche du Centre Communal d’Action Sociale pour une vraie cohérence. Nous n’avons pas encore eu la chance d’y organiser beaucoup d’événements, mais nous avons travaillé à y créer un espace intergénérationnel dans lequel nos aînés sont les porteurs de projets et d’animations. Du lundi au vendredi, ils peuvent s’y retrouver le midi pour des repas partagés, mais également pour des anniversaires auxquels je me rends régulièrement. Ce sont des moments de convivialité. Nous y avons installé des tables de jeu, une cuisine, un écran, nous avons essayé d’y créer une atmosphère « cosy » de manière à ce que, après les repas, ils ne retournent pas directement chez eux. Nous avons mis en place des navettes pour qu’ils s’y rendent. Quand on avance en âge, on peut avoir des difficultés à se déplacer, on n’est pas forcément motorisé. Nous avons mis en service deux navettes qui circulent le mercredi toute la journée et le samedi jusqu’à 13 h, au moment du marché. Elles circulent à la demande. Nous allons chercher nos aînés et nous les amenons où ils veulent aller puis nous les raccompagnons. C’est un service à la carte, du sur mesure. Ce service fonctionne depuis deux ans. Je précise qu’il est réservé aussi aux personnes qui ont des difficultés à se déplacer ou qui ont des problèmes de santé.
Le lieu consacré aux seniors que vous évoquez est géré par la mairie ?
C’est un espace municipal. La mairie y apporte son concours, mais les seniors y ont une autonomie. Cela fonctionne comme un foyer pour les jeunes. Ils en prennent possession. Ils en sont responsables. C’est à eux de nous dire ce qu’ils veulent faire. Hélas, depuis son inauguration, ils n’ont malheureusement pas pu beaucoup en profiter.
Madame le maire, existe-t-il dans votre ville des résidences seniors d’un type nouveau. Les envisagez-vous sur les futures ZAC, celle de la Plaine des Coteaux d’Ormesson ou celle de la Plaine des Cantoux ?
Sur la commune, un EHPAD a été construit il y a environ huit ans, un bel établissement de nouvelle génération. C’est un établissement dédié à ceux qui ne peuvent plus se déplacer, qui ont besoin d’une assistance et je voudrais que dans les quartiers à venir nous concrétisions des projets de résidences seniors et des projets intergénérationnels. Je trouve cela très intéressant. Pourquoi pas des lieux associant jeunes travailleurs et seniors. C’est ça l’esprit d’Ormesson et je trouve que cela aurait vraiment du sens. Pourquoi pas aussi créer une résidence avec des services et des prestations plus importants. Il faut voir. J’ai pu constater que certains Ormessonnais étaient partis pour une autre commune et je me suis dit qu’il serait important d’avoir ce service sur Ormesson.
Pour avoir une pluralité d’offre ?
Absolument.
Et également pour sauvegarder un parcours résidentiel ?
Et sauvegarder l’esprit de l’aménagement de notre ville. Ce que l’on souhaite ici c’est bâtir un havre de paix. Ce n’est pas un village gaulois, mais un village où tout le monde est accueilli, où les gens vivent bien parce que je pense — et la crise sanitaire nous le dévoile encore plus — que les liens entre les gens se sont distendus. Ils communiquent difficilement. Alors il faut leur donner les moyens de se rencontrer. J’espère que cela sera une empreinte forte de la municipalité actuelle.
Un village où tout le monde est accueilli, où les gens vivent bien parce que je pense — et la crise sanitaire nous le dévoile encore plus — que les liens entre les gens se sont distendus. Ils communiquent difficilement. Alors il faut leur donner les moyens de se rencontrer.
En conclusion de notre échange, une question ouverte : pour vous c’est quoi bien vieillir en ville demain ? En 2030, en 2040 ou en 2050 ?
La question n’est pas simple, je ne sais pas si je vais pouvoir y répondre. Je dirais : l’accompagnement, n’oublier aucune catégorie d’âge au sein d’une collectivité, et encore plus nos aînés qui se retrouvent souvent isolés, éloignés. Si on ne réussit pas cela au sein une commune, on ne réussit pas son organisation. Cela vaut aussi pour les couples et les familles qui peuvent avoir l’occasion d’échanger avec leurs aînés. Je fourmille d’idées et nous allons essayer de les mettre en place d’ici peu, comme de proposer aux plus âgés d’aider à la garde des jeunes enfants… je n’en sais rien… mais il y a des chaînes de solidarité à mettre en place. Et je pense que c’est cela bien vieillir : rester dans le coup. Rester chez soi, c’est s’isoler. On vieillit moins vite si on est actif, si on communique avec les autres et si les autres font, justement, attention à leurs aînés. C’est cela le bien-vivre ! Faire en sorte de ne laisser personne sur le chemin.
Merci beaucoup madame le maire.
Merci infiniment à vous.