Image du podcast

Yvette déménage
Voir le podcast
Entrepreneurs #2

Joachim Tavares - Choisir où vieillir

Description du podcast

Joachim Tavares a été directeur d’EHPAD et directeur de clinique en SSR (soins de suite et de réadaptation). Il a fondé et préside PapyHappy, une plateforme en ligne collaborative et comparative qui référence les hébergements pour séniors.

  • Par Aurélie Barbey & Alexandre Sfintesco
  • Le 21 février 2020 à la Maison de l'architecture Île-de-France
  • Montage : Valentin Brion Musique - Ezechiel Pailhès Label - Circus Company

Écouter le podcast

Contenu du podcast

Retrouvez l’analyse de l’entretien avec Joachim Tavares,
dans l’ouvrage du Printemps de l’Hiver.

• Un agent immobilier du troisième âge
• Comprendre une offre multiple et complexe
• À la recherche des autres
• Une exigence de qualité

Retranscription de l’entretien

Pouvez-vous expliquer le concept de votre start-up Papyhappy ?

Papyhappy aide et accompagne les personnes à la recherche de logement sénior, en France et en Espagne. Le concept a démarré en s’appuyant sur les expériences de personnes vivant en EHPAD et en clinique cherchant des informations sur le sujet. Ce domaine est très vaste, il englobe des résidences services, des EHPAD, des résidences autonomes, des «béguinages», des colocations et la sous-location qui arrive aujourd’hui sur le marché sans services dédiés. Il est donc très compliqué de faire un distinguo dans ce panel c’est pourquoi Papyhappy a été créé il y a maintenant trois ans.

Comment l’idée vous est-elle venue ?

Dirigeant successivement un EHPAD et une clinique en SSR (Soins de Suite et de Réadaptation), je me suis rendu compte qu’il était compliqué de chercher et de trouver des informations fiables sur les lieux de vie pour personnes âgées. Sur internet, il existe différents sites, mais il y en a aucun qui soit capable de vous guider en vous accompagnant dans vos recherches du début jusqu’à la fin. Le début c’est quoi ? C’est la première tentative que vous faites souvent sur Internet en examinant ce qui existe en fonction d’une zone géographique. Ensuite, vient l’accompagnement sur le terrain et c’est là que Papyhappy intervient avec des professionnels pour vous épauler comme le ferait un agent immobilier.

Je me suis rendu compte qu’il était compliqué de chercher et de trouver des informations fiables sur les lieux de vie pour personnes âgées.

Vous dites être une sorte « d’agent immobilier », mais y a-t-il des valeurs spécifiques que vous développez ?

Nous avons des valeurs bien particulières qui sont liées à nos expériences et nos compétences. Nous comprenons les besoins des demandeurs, un EHPAD étant totalement différent d’une résidence séniors. En outre, nous sommes à l’écoute, un détail d’importance car les gens ont besoin d’être rassurés. Qu’il s’agisse de l’aidé ou de l’aidant, l’enjeu étant de choisir une dernière demeure, de fait, l’aspect sentimental entre en considération. Donc effectivement, nous sommes une sorte d’agent immobilier attentif à des besoins particuliers. Ensuite, nous intervenons sur les aides à mettre en place, comme par exemple celles pouvant être perçues par le biais d’une mutuelle ou d’un département.

Vous parlez de dernière demeure, mais ce qui nous intéresse ce serait plutôt l’entre-deux dès lors qu’un logement n’est plus totalement adapté à la vieillesse. Quelles sont les offres qui existent et les attentes des personnes concernées ?

Ce n’est pas péjoratif de parler de dernière demeure, par exemple, je vis actuellement dans ma maison qui sera peut être ma dernière demeure. Dans cette terminologie, il s’agit de considérer le logement qui va accompagner la personne tout au long de sa vieillesse, il y a des personnes qui meurent à 90 ans en pleine forme, d’autres qui s’éteignent à 55 ans déjà très fatiguées. Notre travail est de démontrer qu’il existe un certain nombre de typologies de logement, quelque soit l’âge, à même de vous accompagner. Que vous soyez parisien, auxerrois, bordelais, importera forcément dans votre recherche de logement. Paris est beaucoup plus compliqué parce que les surfaces sont petites alors qu’en Bourgogne dont je suis originaire, ce n’est pas un souci, au contraire, les logements sont plus vastes, en revanche, le problème sera le transport ou la proximité avec d’autres lieux de vie.

Nous sommes à l’écoute, un détail d’importance car les gens ont besoin d’être rassurés. Qu’il s’agisse de l’aidé ou de l’aidant, l’enjeu étant de choisir une dernière demeure, de fait, l’aspect sentimental entre en considération. Donc effectivement, nous sommes une sorte d’agent immobilier attentif à des besoins particuliers.

Y a-t-il des logements qui ont aujourd’hui la faveur des futurs usagers ?

Ce qui est très en vogue actuellement ce sont les résidences services seniors du type les « senioriales » pour ne pas les citer. Ce produit fait rêver parce qu’il s’agit d’un appartement ou d’une petite maison souvent proches d’un restaurant ou d’une salle d’animation où vous allez pouvoir jouer aux cartes, ce modèle-là mettant un point d’honneur à proposer des loisirs. Quant aux résidences autonomie, souvent gérées par les mairies ou les CCAS, elles offrent des appartements qui sont moins adossés à des services, excepté le gardien à l’accueil qui apporte une assistance. Le logement collaboratif que l’on appelle aussi le béguinage, est assez développé actuellement, en réalité il existe depuis longtemps mais il est plus sollicité en raison de la demande des usagers qui cherchent à se sentir bien dans un logement en toute sécurité afin de ne pas se sentir isolés. La colocation et la sous-location font leur entrée sur le marché mais cette offre est assez récente. En conclusion, ce n’est pas la structure immobilière qui compte mais plutôt la façon d’y vivre qui fait la différence, le point commun étant le même, les intéressés ne veulent pas mourir seuls ce qui paraît logique, qui voudrait disparaître dans la plus grande solitude ?

Avez-vous l’impression qu’il y a des nouveaux modèles qui se dessinent en corrélation avec des attentes différentes ?

Tout à fait ! Il y a encore cinq ans, par exemple, on parlait peu des résidences service seniors parce que peu de gens les connaissaient, puis de grands groupes ont commencé à communiquer sur leur présence dans le paysage urbain. Cela étant, le logement intermédiaire situé entre le logement privé et l’EHPAD est en train d’évoluer, de même que les EHPAD eux-mêmes. L’offre est même en train de grossir parce qu’il y a encore très peu de temps, disons 10 – 15 ans, les usagers des maisons de retraite allaient ensuite directement en EHPAD, il n’y avait pas d’autres solutions. Désormais, vous avez un choix plus conséquent. Lorsque nous accompagnons les séniors, ils disent vouloir partir en maison de retraite, mais cela ne veut pas dire grand-chose alors que l’offre est diversifiée que ce soit en ville ou à la campagne. Ce qui semble arriver en tête des choix les plus prisés, ce sont des logements destinés à des personnes ayant entre 70 et 80 ans, parfois un peu moins, des habitats où les gens vivent ensemble dans un confort de vie et une sécurité au quotidien.

Une des demandes contemporaines est celle de vivre en collectivité, tout en ayant une part d’intimité et d’isolation. Les attentes incluent également la possibilité d’aller manger au restaurant, de se faire livrer ses courses, d’avoir une femme de ménage, et la sécurité d’une présence si besoin, disponible à travers un bouton d’appel. C’est la recherche d’un équilibre entre autonomie, sécurité et assistance, sans dépendance.

Tous ces modèles dont vous parlez fonctionnent en circuit fermé. Existe-t-il une demande des usagers qui souhaitent avoir des connexions soit avec des centres-villes, des commerces à proximité ou une vie de quartier ? Ou bien sont-ils plus préoccupés par les usages internes d’une résidence ?

Nous avons fait une étude au mois de décembre 2019 avec le PGI - Pôle de Gérontologie et de l’Innovation - sur les recherches des usagers afin de mesurer leurs opinions sur telle ou telle solution. Il en ressort que le lien social et humain arrive en tête des préoccupations. C’est notamment le cas des personnes vivant à la campagne qui recherchent des lieux animés où ils verront du monde, ce détail est hyper important. Pour autant, il est assez rare que l’on nous demande des lieux de vie intergénérationnels et pour cause : au-delà d’un certain âge, les usagers n’ont pas envie d’avoir près d’eux des gamins qui pleurent toute la journée préférant être au calme entre adultes. Tout dépend des caractères, certaines personnes âgées ne sont pas réfractaires aux jeunes enfants. L’important est de ne pas leur imposer des modes de vie mais de les laisser faire librement un choix, ils sont comme vous et moi. Ce n’est pas parce que l’on devient vieux, que l’on s’appuie sur une canne ou que l’on se déplace en fauteuil roulant que nos besoins et nos envies changent. L’important est l’infrastructure, c’est-à-dire des trottoirs correctement aménagés, un ascenseur, la possibilité d’aller chercher son pain, d’aller chez le boucher, voilà ce qui reste vital. En un mot, c’est de continuer à vivre même avec quelques difficultés de mobilité. Effectivement, la structure du bâtiment et le positionnement de la résidence sont des facteurs qui comptent car en découle une qualité de leur vie sociale. Si la personne ne peut pas prendre le métro, ni le RER, il faut qu’elle trouve une vie de quartier à proximité.

En conclusion, ce n’est pas la structure immobilière qui compte mais plutôt la façon d’y vivre qui fait la différence, le point commun étant le même : les intéressés ne veulent pas mourir seuls.

Comment recevez-vous vos clients et quels sont vos modes d’évaluation ? Avez-vous des Mamiehappy ?

Nous avons des mamies et des papys « angels ». Le principe est de se connecter sur notre site Internet afin de consulter les avis des internautes et ceux de nos angels qui vont visiter les résidences en client mystère. Leur rôle d’avoir une vision à un « instant T » et si elle est bonne de la référencer. Ensuite, nous procédons au maillage du territoire et lorsque les intéressés cherchent un logement par notre intermédiaire, nous leur communiquons nos informations en ratissant large de manière à les conseiller en fonction de ce qu’ils connaissent déjà ou en fonction des recherches qu’ils vont mener. Quand nous recevons une demande, nous prenons en considération les besoins exprimés, à savoir, vivre en ville, à côté de commerces ou d’une station de métro, en considérant le niveau de dépendance de l’usager et ses capacités physiques car souvent, entre les désirs et les possibilités des uns et des autres, il y a une différence. Nos échanges avec eux et leur famille nous renseignent au cas par cas. En fonction de tous ces critères, nous cherchons ce qui correspond le mieux à la personne, à ses attentes, sans nous focaliser uniquement sur le logement.

Dans votre offre, abordez-vous également la possibilité de rester à domicile en trouvant des solutions ad hoc, à savoir prévoir des aménagements du logement de l’intéressé ou lui proposer des services à la personne ?

Nous le faisons, mais à la marge. Quand les gens nous appellent, nous faisons ensemble un premier constat afin de savoir ce qui sera bon pour eux. Certains nous disent qu’ils ont une baignoire et qu’ils ont peur de tomber, dans ce cas, nous allons les aiguiller vers les moyens de faire installer une douche. Nous faisons partie d’un regroupement qui s’appelle la Silver Alliance qui nous met en contact avec une vingtaine d’entreprises spécialisées dans des domaines particuliers comme les travaux ou le ménage. En ce moment nous travaillons sur un projet qui me tient à cœur, à savoir les solutions à mettre en place pour rester à domicile en mettant en relation les demandeurs et des artisans fiables, plombiers, maçons, etc.

La structure du bâtiment et le positionnement de la résidence sont des facteurs qui comptent car en découle une qualité de leur vie sociale. Si la personne ne peut pas prendre le métro, ni le RER, il faut qu’elle trouve une vie de quartier à proximité.

Dans les demandes y en a-t-il qui sont d’ordre culturel ou d’échanges intellectuels ?

Tout à fait. Surtout en résidence services seniors parce qu’en EHPAD ce n’est pas le cas, même si certains offrent des spécificités en termes d’animations ou de confort domestique comme un bon restaurant avec une belle terrasse. Il nous est arrivé de nous adresser à des personnes ayant un hobby, musique ou chant chorale, qui cherchent un lieu où continuer leurs activités. D’autres sont plus intéressés par l’art et il y a des établissements qui travaillent sur le sujet.

Vous avez été directeur d’EHPAD, quel regard critique portez-vous sur ce type d’institution ?

Les EHPAD sont beaucoup décriés et souvent par des détracteurs qui n’y travaillent pas ou qui n’y ont jamais vécu. Pour ma part, j’ai une bonne connaissance des EHPAD publics ou privés et j’ai eu l’occasion d’y envoyer des patients. Depuis sa création Papyhappy a visité un peu plus de 4 000 établissements dont les trois quart sont des EHPAD dont on n’a jamais vu les usagers partir en pleurant ou en rouspétant. Nos visites sont faites par des personnels issus du secteur médico-social, d’anciens directeurs, des gérontologues ou des agents immobiliers qui connaissent ce secteur d’activité. Lorsque j’étais en fonction, il m’était insupportable d’entendre dire « Tu fais de l’argent sur le dos des vieux, chez toi c’est un mouroir ». Ce n’est pas vrai ! Il y a plein d’aspects positifs en EHPAD, reste qu’il en existe de mauvais, comme dans tous les secteurs d’activités. En règle générale, les gens s’y sentent bien, car rester à son domicile suppose d’accepter la solitude, la seule présence humaine étant quelqu’un qui vous livre des courses le matin à 9h. Après vous ne voyez personne d’autre hormis votre télé et vos plantes vertes.

Il y a encore dix ou quinze ans, les enfants vivaient à proximité de la maison de retraite des parents, par conséquent, ils étaient plus présents, et apportaient leur aide, sauf que maintenant, les enfants habitent souvent très loin et par conséquent les retraités sont plus seuls qu’autrefois, il faut donc combler la cellule familiale qui est éclatée. De fait, il y a davantage de besoins d’aidants à l’écoute ou pour échanger, et c’est très important pour les résidents.

Estimez-vous qu’il y a trop de préjugés les concernant ?

Le contexte de ces derniers mois et certaines émissions de télévisions montrent des EHPAD peu recommandables ne correspondant pas à la vraie vie. Il y en a où tout se passe bien, où les soignants s’occupent bien des usagers. C’est du cas par cas dans chaque établissement partant du principe que chaque département a sa propre politique de dépendance qu’il prend en charge, le soin étant le domaine de l’ARS (l’Agence Régional de Santé), quant à l’hébergement, il dépend soit des télécentres publics ou privés, ou encore associatif. Voyez le cocktail ! D’où le ratio financier et tarifaire consenti à chaque résident, les prix alliant le quantitatif et le qualitatif. Lorsque nous échangeons avec des résidents, en maison de retraite ou en EHPAD, beaucoup disent qu’ils étaient mieux chez eux et nous le concevons, mais quand on les questionne davantage, ils disent être contents. Certes, il leur faut s’habituer à la vie en collectivité, mais ils vivent en sécurité et sont pris en charge au quotidien, ils se créent des liens entre résidents, par conséquent, je trouve que la vie en EHPAD, quand on doit la vivre, est plutôt bien. Il est à noter toutefois que les personnes qui entrent aujourd’hui en EHPAD sont beaucoup plus dépendantes qu’autrefois, ce qui implique plus de travail pour les personnels, plus de toilettes à faire, etc.

Qu’est-ce qui a changé dans la cellule familiale et l’aide aux parents retraités ?

Il y a encore dix ou quinze ans, les enfants vivaient à proximité de la maison de retraite des parents, par conséquent, ils étaient plus présents, et apportaient leur aide, sauf que maintenant, les enfants habitent souvent très loin et par conséquent les retraités sont plus seuls qu’autrefois, il faut donc combler la cellule familiale qui est éclatée. De fait, il y a davantage de besoins d’aidants à l’écoute ou pour échanger, et c’est très important pour les résidents.

En qualité de jeune dirigeant de Start up, quel est votre rapport à cette génération ?

Pour ma part, j’ai du mal à stigmatiser les gens. Pour autant, cette génération de retraités et de personnes âgées est spécifique du fait qu’elle a connu les années 1960, une époque où tout le monde vivait dans une société de consommation pouvant acheter ce que bon lui semble, une société où l’on avait le choix et c’est un peu ce qui se produit en fin de vie où ces personnes veulent avoir le choix et décider par elles-mêmes. J’insiste beaucoup là-dessus, c’est important, il n’est plus question de dire aux personnes âgées « tu vas aller dans tel établissement et point barre ». Mes parents ont 70 ans, ils vivent leurs vies, ils font ce qu’ils veulent et je pense que les gens autour de nous qui ont cet âge-là, voire plus, veulent qu’on leur fiche la paix. C’est donc à nous de concevoir des modèles d’hébergement et de logements qui leur plaisent sans penser à leur place, ils sont exigeants, savent ce qu’ils veulent, parfois ils sont un peu « chiants » pardonnez moi l’expression, mais ils sont humains comme nous tous.

Ce qui frappe aujourd’hui, c’est la taille des chambres, elles sont beaucoup plus grandes. Il y a encore quelques temps, les gens habitaient en chambre double, voire triple, quadruple, ça existait dans les maisons de retraite. Maintenant les chambres seules sont beaucoup plus spacieuses. On revient à cette notion de critères hôteliers cet aspect-là est plus présent qu’auparavant.

Donc ils ne subissent plus ?

J’en ai fait le constat en étant directeur d’EHPAD, depuis une dizaine d’années, ce ne sont plus les mêmes personnes qui arrivent dans ce type d’établissement, elles ne subissent plus effectivement et veulent que l’on réponde à leurs souhaits. Ce changement se traduit par d’énormes progrès en termes d’hôtellerie et de services dédiés, mais également en termes d’esthétique des bâtiments eux-mêmes.

Les demandes sont-elles spécifiques au territoire francilien ou bien existe-t-il une différence entre Paris et les régions ?

La différence est réelle, elle se manifeste en priorité par des critères d’ordre budgétaire. Les tarifs sont quasiment identiques d’un département à l’autre, d’une ville à l’autre, hormis le Sud-est de la France. Reste l’exception : Paris qui est très chère, notamment pour les logements, mais dès lors que l’on vise la petite et la grande couronne les prix sont déjà plus variables. Et dans ce cas, on ne parle plus en termes de kilomètre mais de temps de trajet pour les déplacements. Toute la difficulté est de trouver des endroits chaleureux, une vie de quartier équivalente à celle que les résidents avaient autrefois, cette notion est typique des grandes villes.

Étant architecte, je me demandais si vous aviez remarqué des modifications spatiales, des nouveaux besoins ?

Ce qui frappe aujourd’hui, c’est la taille des chambres, elles sont beaucoup plus grandes. Il y a encore quelques temps, les gens habitaient en chambre double, voire triple, quadruple, ça existait dans les maisons de retraite. Maintenant les chambres seules sont beaucoup plus spacieuses. On revient à cette notion de critères hôteliers, dont je parlais, cet aspect-là est plus présent qu’auparavant. Et l’équipement de la chambre suit cette même démarche, la télé, la radio, l’internet, le téléphone, la salle de bains, tout cela n’était pas omniprésent autrefois. De la même manière, si le papier était hier rose ou saumon, ce n’était pas grave, maintenant, on y attache beaucoup d’importance. Les salles de restaurant sont beaucoup plus belles, le mobilier est soigné ainsi que la vaisselle, des détails qui comptent désormais tout comme l’insonorisation des salles où se retrouvent parfois une centaine de personnes. Les lieux de vie en EHPAD ou en résidences services séniors sont mieux agencés et équipés c’est indéniable.

Je vois plutôt des personnes qui ont envie de rester là où elles ont vécu et où vivent leurs enfants, là où ils les ont vus grandir, ce sont des repères à préserver.

Est-ce que le rapport au quartier, au territoire devient plus important ?

Croire que les gens veulent partir au soleil, nous ne pouvons pas en témoigner, je vois plutôt des personnes qui ont envie de rester là où elles ont vécu et où vivent leurs enfants, là où ils les ont vus grandir, ce sont des repères à préserver. En d’autres termes, les personnes âgées en résidence ou en EHPAD n’ont pas envie de se dire : « Je suis vieux, donc je suis logé au bout du village pour devenir invisible ». L’intégration est actuellement un sujet de réflexion. J’en veux pour preuve un village de la Nièvre où l’on veut réintégrer les anciens. C’est une excellente idée. Ce retour dans une commune lui redonne de la vie du fait même qu’il faut implanter des paramédicaux, mais aussi le boulanger, le boucher, les commerces de proximité. Finalement ce ne sont pas les actifs qui vont faire vivre ces villages-là mais nos ainés qui consomment local car ils ne vont pas faire leurs emplettes sur Amazon, ni au Drive du coin. Cette population vieillissante va revitaliser ces centres-villes et je trouve que l’idée est superbe, elle est d’ailleurs très en pointe en Espagne.

Pour vous, c’est quoi bien vieillir demain en ville ?

C’est de vieillir avec toutes les commodités autour de soi et sans être seul. La complexité de bien vieillir en ville tient à ce mixte entre l’apport techno, et l’apport humain. L’un ne va pas sans l’autre. Cette complexité est à doser, elle ne sera pas la même dans une ville comme Paris, dans une ville plus petite ou à la campagne, et c’est là où il faut savoir mettre le curseur entre les deux, la problématique est là.

Interview réalisée le 21 février 2020 à la Maison de l’architecture Île-de-France par Aurélie Barbey et Alexandre Sfintesco